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RDC : Le Nord-Kivu en crise humanitaire, entre violences armées et détresse des civils

La province du Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo, reste le théâtre d’une crise humanitaire aiguë, exacerbée par la résurgence des violences armées, les déplacements massifs de population, l’insécurité alimentaire et les défis sanitaires persistants. Selon le dernier rapport publié par OCHA, couvrant la période du 1er au 30 juin 2025, plus d’un million de personnes sont déplacées dans la province, et plus de quatre millions souffrent d’insécurité alimentaire aiguë.

Rutshuru, Masisi et Lubero : des territoires sous tension

Dans le territoire de Rutshuru, les affrontements entre groupes armés ont provoqué de nouveaux déplacements depuis début juin. Plus de 3 600 personnes ont fui la localité de Bukombo, trouvant refuge dans des structures de santé ou auprès de familles d’accueil. Les violences, qui ont causé la mort d’au moins cinq civils et des dizaines de blessés, ont paralysé l’accès aux champs et aggravé la précarité alimentaire des populations.

Le territoire de Masisi n’est pas épargné. De violents combats ont éclaté sur les axes Masisi–Nyabiondo et Kashuga–Kalembe, entraînant des vagues de déplacés et interrompant les activités humanitaires. L’attaque du 29 juin à Nyabiondo a fait un mort et plusieurs blessés. À Lubero, la situation reste critique : 35 civils ont été tués dans des attaques attribuées aux ADF dans le secteur minier de Bapere, tandis que d’autres violences ont provoqué le déplacement de milliers de ménages.

Walikale et Beni : retour timide à la stabilité, mais toujours sous menace

À Walikale, les affrontements ont notamment perturbé une distribution de vivres à Kashebere, laissant 1 721 ménages sans aide. Si des retours timides sont observés à Mulema, la menace d’une reprise des hostilités reste élevée. À Beni, une accalmie relative s’installe, bien que des accrochages localisés continuent entre groupes armés, notamment à Ngazi.

La ville de Goma connaît un calme relatif, mais la criminalité urbaine reste préoccupante. En juin, au moins 10 personnes ont été tuées dans des actes de violence. Par ailleurs, la situation sanitaire inquiète : plus de 6 300 cas de Mpox (Monkeypox) ont été recensés, dont la moitié dans la capitale provinciale et le territoire de Nyiragongo. Les ONG alertent sur la réduction des capacités de réponse en raison d’un manque de financement.

Goma et Nyiragongo : insécurité urbaine et crise sanitaire

Une réponse humanitaire soutenue mais insuffisante

Face à cette crise multidimensionnelle, les agences humanitaires multiplient les interventions. Plus de 46 800 déplacés ont eu accès à des soins gratuits, tandis que 3 200 enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère ont été pris en charge. En matière de sécurité alimentaire, près de 300 000 personnes ont bénéficié de distributions de vivres dans les zones les plus touchées, comme Rutshuru, Masisi et Lubero.

Dans le domaine de la protection, 322 enfants non accompagnés ont été réinsérés dans leurs familles, et 595 survivantes de violences sexuelles ont reçu un accompagnement médical et psychosocial. Les activités de sensibilisation sur les droits de l’enfant, l’hygiène menstruelle et la prévention des violences basées sur le genre ont concerné plusieurs milliers de personnes.

L’accès à l’eau potable s’est amélioré grâce à la réhabilitation de plusieurs sources et à la distribution de plus de 10 000 kits EHA (eau, hygiène et assainissement). Toutefois, les besoins restent immenses, notamment dans les zones les plus reculées et instables.

Appel à un soutien international accru

Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires des Nations Unies, Tom Fletcher, s’est rendu fin juin dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu. Il a exprimé sa vive préoccupation face à l’ampleur de la crise, appelant la communauté internationale à accroître son soutien à l’aide humanitaire en RDC.

« Nous assistons à une détérioration inquiétante de la situation humanitaire. Les civils sont pris en étau entre les lignes de front, privés de nourriture, de soins et de protection. L’accès humanitaire doit être garanti de toute urgence », a-t-il déclaré depuis Goma.

Alors que la province continue de s’enfoncer dans la tourmente, les acteurs humanitaires soulignent l’urgence d’une réponse globale, coordonnée et durable, combinant assistance humanitaire et solution politique à la crise sécuritaire.

Picard Luhavo

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