En Ituri, dans le nord-est de la République démocratique du Congo, les affrontements entre groupes armés et les attaques ciblant les civils se multiplient, en particulier dans les territoires de Djugu et d’Irumu. Depuis une semaine, les chefferies de Bahema Baguru, Mambisa et Baboa Bokoe sont le théâtre d’un regain de violences, révélant une nouvelle détérioration sécuritaire dans cette province pourtant placée sous état de siège depuis 2021.
Lopa sous attaque : CODECO affirme « chercher les rebelles »
Le lundi 21 juillet, des hommes armés identifiés comme appartenant à la Coopérative pour le Développement du Congo (CODECO) ont pris d’assaut le village de Lopa, situé dans la chefferie des Bahema Baguru. Dans une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux, on entend ces miliciens annoncer leur présence pour « rechercher les rebelles de la CRP », la Convention pour la Révolution Populaire, groupe rival actif dans la même zone.
Venus de localités voisines du secteur de Walendu Tatsi notamment Tsalaka, Loga, Mindju et Dhadha ces hommes armés ont semé la terreur à Lopa. Le bilan provisoire fait état de deux civils tués, dont les corps n’ont pu être récupérés.
« On n’a pas les moyens d’accéder à leurs dépouilles », a déploré Gédéon Dino, président de la société civile locale.
Les assaillants ont également pillé plusieurs boutiques, ainsi que du bétail et les biens de la paroisse catholique et de l’AIC de Lopa. Sous la menace, les habitants ont fui en masse.
« En quelques heures, Lopa est devenu un village désert. Les familles ont tout abandonné pour sauver leur peau. » Gédéon Dino, forces vives de Bahema Baguru
Nouvelle incursion à Nizi : deux morts, des blessés, des pillages
Le même jour, à Nizi, chef-lieu de la chefferie de Mambisa, une autre attaque meurtrière a été signalée. Deux civils y ont été tués par des éléments armés également attribués à CODECO, originaires cette fois du secteur de Walendu Djatsi, selon Lona Mastaki, figure de la société civile à Djugu. Deux autres personnes ont été blessées par balles, et des pillages ont été rapportés dans des commerces et domiciles.
Ces violences en série démontrent une extension des zones d’action des milices, alors que l’armée peine à contenir la menace.
Des disparus à Iga-Barrière, silence radio depuis une semaine
Par ailleurs, sept civils sont portés disparus depuis le 16 juillet, après des affrontements entre les FARDC (Forces armées de la RDC) et la milice CRP, au niveau d’Iga-Barrière, dans la chefferie des Bahema Baguru. Parmi eux, quatre femmes, deux enfants et un homme. Aucun signe de vie depuis.
« On ne sait pas s’ils sont morts, cachés ou retenus quelque part. Le silence est angoissant », confie Richard Bule, membre de la société civile locale.
L’armée tente de rassurer, les populations doutent
Face à cette recrudescence de violences, les autorités militaires assurent que des opérations sont en cours. Le lieutenant Jules Ngongo, porte-parole de l’armée en Ituri, a déclaré sur les ondes de Radio Candip de Bunia que
« les FARDC sont déterminées à restaurer l’autorité de l’État et à faire taire les armes dans toute la province ».
Cependant, cette communication peine à convaincre les habitants, qui dénoncent une présence militaire sporadique et souvent impuissante face aux exactions. Les critiques pointent également un manque de coordination entre les forces engagées et une absence de réponse rapide lors des attaques.
« Depuis le début de l’état de siège, on n’a pas vu d’amélioration concrète. Les milices tuent, pillent, déplacent les gens sous les yeux de l’armée », témoigne un habitant déplacé à Rhoe, près de Bunia.
Contexte
- CODECO est un groupe armé originaire de la communauté Lendu. Bien qu’ayant des origines agricoles et communautaires, ses dérives violentes et criminelles sont dénoncées depuis plusieurs années.
- La CRP (Convention pour la Révolution Populaire) est une milice apparue plus récemment, active notamment dans les zones frontalières d’Irumu et de Djugu.
- L’état de siège, instauré en Ituri et au Nord-Kivu depuis mai 2021, confère les pouvoirs civils aux autorités militaires, censées restaurer la sécurité.
Une crise sécuritaire prolongée
En dépit de multiples initiatives militaires, diplomatiques et communautaires, l’Ituri reste enlisé dans un conflit complexe où s’entremêlent enjeux ethniques, intérêts économiques (notamment autour de l’or), faiblesses de l’État, et prolifération d’acteurs armés.
Tandis que les populations continuent de fuir leurs villages et que les infrastructures de base sont détruites ou abandonnées, la question d’une réponse internationale plus forte et coordonnée se pose avec acuité.
« Nous ne voulons plus de promesses, ni de discours. Ce que nous demandons, c’est le droit de vivre en paix », résume un habitant déplacé, dans un camp de fortune à Djugu.