Kinshasa a accueilli, le 30 août 2025, le deuxième congrès de l’Union Sacrée de la Nation (USN), plateforme politique initiée par le président Félix-Antoine Tshisekedi en 2020. Au-delà du cérémonial, cette rencontre interroge la trajectoire politique congolaise et révèle un enjeu central : la quête d’un véritable système politique en République démocratique du Congo.
Une fragilité structurelle depuis 1960
Depuis l’indépendance, les gouvernements se sont succédé, sans que le pays ne parvienne à stabiliser ses institutions. Si l’on distingue en science politique le régime politique (la structure constitutionnelle et juridique : présidentiel, parlementaire ou semi-présidentiel) du système politique (qui inclut les acteurs, leurs dynamiques et le fonctionnement global du pouvoir), la RDC illustre un paradoxe : elle possède un régime juridique défini, mais reste dépourvue d’un système politique cohérent et durable.
L’expérience de la cohabitation FCC-CACH, entre 2019 et 2020, en fut l’illustration. Théoriquement inspiré d’un régime semi-présidentiel, le pays a connu une paralysie institutionnelle lorsque le Premier ministre n’était pas issu de la majorité présidentielle. Cet épisode a révélé la fragilité d’un modèle hybride, incapable de réguler la compétition politique.
L’Union sacrée : une tentative de réponse

C’est dans ce contexte que Félix Tshisekedi avait lancé, en octobre 2020, l’Union Sacrée de la Nation, comme tentative de refondation du jeu politique. L’objectif, réaffirmé lors du congrès du 30 août, est clair : construire une force politique durable, capable d’assurer la continuité de l’action publique et d’éviter la « table rase » institutionnelle à chaque alternance.
Cette stratégie rappelle les trajectoires de l’ANC en Afrique du Sud et du CCM en Tanzanie, partis dominants qui ont garanti une stabilité institutionnelle sur plusieurs décennies, au prix d’une continuité politique parfois hégémonique mais souvent stabilisatrice.
Vers un « système Fatshi » ?
Le congrès de Kinshasa a mis en avant une idée forte : l’USN ne serait pas seulement une coalition électorale, mais une matrice politique appelée à se transformer en véritable système. À travers le thème choisi « Tous unis, écrivons l’histoire glorieuse de notre pays avec son Excellence Félix-Antoine Tshisekedi et l’Union Sacrée de la Nation » se profile la volonté de bâtir une identité politique pérenne autour du président.
Cette ambition traduit un choix stratégique : proposer un modèle « tropicalisé », adapté aux réalités congolaises, où l’unité nationale et la consolidation des institutions passent par une force politique centralisée et structurée. L’idée d’un « système Fatshi » terme employé par certains acteurs incarne cette volonté de dépasser les logiques d’alliances fragiles et conjoncturelles.
Entre espoir et interrogations
Toutefois, plusieurs questions demeurent. La construction d’un système politique suppose non seulement un socle idéologique, mais aussi des mécanismes inclusifs et durables. L’Union Sacrée sera-t-elle en mesure de dépasser la logique d’union autour d’un homme pour s’institutionnaliser en tant que cadre politique stable ?
Les défis restent considérables : gouvernance sécuritaire, gestion des ressources minières, infrastructures, urbanisation et lutte contre la corruption. Autant de domaines où la durabilité institutionnelle sera jugée non pas sur des discours, mais sur la capacité à produire des résultats tangibles pour la population.
Une étape dans la longue quête congolaise
Le congrès de l’USN s’inscrit ainsi dans une longue quête congolaise : passer d’un régime politique instable à un véritable système politique national. Si la dynamique initiée par Tshisekedi réussit, elle pourrait ouvrir une nouvelle ère où la continuité et la prévisibilité remplaceraient l’improvisation et le recommencement permanent.
Mais si elle échoue, le pays risque de retomber dans le cycle bien connu de recomposition politique sans fin. L’histoire politique congolaise se joue donc, une fois de plus, entre l’opportunité d’une stabilité institutionnelle et la menace de l’éternel recommencement.