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Ituri : l’accord d’Aru II face au scepticisme Un engagement répété sous le feu des violences



Deux ans après la signature d’un premier accord de cessation des hostilités à Aru, les principaux groupes armés d’Ituri FRPI, URDPC/CODECO, FPIC, MAPI, Autodéfense et Chini Ya Tuna – ont à nouveau apposé leurs signatures au bas d’un protocole d’engagement pour la paix. Mais alors même que ces engagements étaient solennellement réitérés du 23 au 28 juin 2025 dans la salle du Lycée ADIA LEMI à Aru, une attaque meurtrière frappait les déplacés de Dhangi, soulignant le gouffre entre les promesses et la réalité du terrain.

Retour sur un précédent échec


Le 1er juin 2023, à l’issue d’un dialogue similaire tenu dans la même commune d’Aru, les groupes FPIC, CODECO, MAPI et FRPI s’étaient engagés à cesser les hostilités pour restaurer la paix et la cohésion sociale. Mais cet accord n’avait pas survécu à l’épreuve du terrain. L’absence du groupe armé Zaïre, qui avait dénoncé la marginalisation de la communauté Hema et rejeté la création du MAPI, avait dès le départ fragilisé le processus.

Pire, ce groupe avait tenté de torpiller les acquis de l’accord en provoquant militairement les signataires, notamment le MAPI et la CODECO-URDPC, relançant la spirale des violences. Ce cycle, loin de se résorber, s’est poursuivi jusqu’à aujourd’hui, émaillé d’affrontements, de représailles, et d’attaques contre les civils.

Un nouvel engagement sous haute tension


Le dialogue d’Aru II, tenu du 23 au 28 juin 2025, s’inscrit donc dans un contexte particulièrement tendu. Malgré des engagements renouvelés cessation des hostilités, démobilisation, fin des violences à caractère communautaire, protection des déplacés, respect du droit humanitaire  la réalité sur le terrain semble en décalage flagrant avec les intentions affichées.

En témoigne l’attaque du 27 juin contre le site de déplacés de Dhangi, dans le village de Koli (chefferie de Bahema-Nord), attribuée à des miliciens de la CODECO/URDPC pourtant partie prenante de l’accord. Onze personnes ont été tuées, quinze blessées. Les victimes étaient toutes des déplacés ayant fui des violences antérieures, installés dans un site censé leur garantir sécurité et assistance. Ce massacre est une gifle cinglante à l’esprit même de l’accord d’Aru II.

Un manque de crédibilité structurel


La signature d’un texte engageant les groupes armés à « ne plus céder aux manipulations endogènes et exogènes », à « respecter les droits des civils », à « ne plus communautariser les conflits » et à « démobiliser les enfants soldats » marque une avancée sur le plan rhétorique. Mais l’historique des engagements non tenus, combiné à l’absence d’un dispositif coercitif clair, interroge sur la capacité des signataires à respecter leurs propres résolutions.

Un P-DDRCS critiqué… mais entravé de l’intérieur


Dans le protocole d’Aru II, les groupes armés insistent sur la nécessité d’un P-DDRCS (Programme de Désarmement, Démobilisation, Réinsertion Communautaire et Stabilisation) « bien préparé et effectif », porté par des animateurs « dignes de confiance ». Cette formulation traduit une certaine méfiance à l’égard du programme piloté par la Présidence de la République. Pourtant, sur le terrain, ce sont bien les équipes du P-DDRCS qui multiplient depuis des mois les séances de sensibilisation à l’attention de ces mêmes groupes armés, souvent sans succès.

Selon des sources locales, plusieurs tentatives de négociation entre le P-DDRCS et les leaders des groupes armés ont été délibérément sabotées, notamment sous l’influence de certains acteurs communautaires ou militaires, hostiles à toute sortie de crise négociée. Ces ingérences internes fragilisent les efforts des facilitateurs et retardent l’adhésion des combattants au processus de paix.

Malgré ces obstructions récurrentes, les responsables du programme assurent que les portes du P-DDRCS restent ouvertes à tous les groupes armés désireux de déposer les armes, à l’instar des récentes démarches entamées avec les Auto-défense, Maimai et le FPIC, dont certains membres ont intégré un processus de démobilisation volontaire. Cet engagement constant, en dépit des sabotages, souligne la complexité du contexte sécuritaire iturien, où la réussite d’un processus de paix repose autant sur la volonté des groupes armés que sur la neutralisation des forces qui entretiennent le conflit dans l’ombre.

Le défi du suivi et de la responsabilité


Le protocole d’Aru II prévoit que tout manquement engage la responsabilité des signataires. Mais en l’absence de mécanisme indépendant de suivi, de sanctions claires ou d’un calendrier précis, cette clause reste largement symbolique. L’expérience de l’accord de 2023 l’a démontré : sans volonté politique forte et appui institutionnel sérieux, ces engagements risquent de s’évanouir une fois les projecteurs éteints.

Vers une paix réelle ou une répétition de l’échec ?


L’initiative d’un nouveau dialogue demeure louable, et sa réussite constituerait un tournant pour une province ravagée par deux décennies de violences cycliques. Mais pour éviter une nouvelle désillusion, il faudra que le gouvernement congolais, la MONUSCO et les acteurs de la société civile s’engagent non seulement dans la mise en œuvre de la feuille de route, mais aussi dans le suivi rigoureux, transparent et indépendant de chaque engagement pris.

L’exclusion persistante de certains acteurs clés, comme le groupe Zaïre, demeure également un point de fragilité. Tant que toutes les parties prenantes ne sont pas impliquées dans le processus, la paix restera partielle, et donc précaire.


Le dialogue d’Aru II offre une opportunité fragile mais réelle de sortir de l’enlisement. Toutefois, au vu des précédents, seule une volonté politique ferme, associée à des mécanismes crédibles de vérification et à une inclusion totale des acteurs du conflit, pourra éviter que cette nouvelle tentative de paix ne rejoigne la longue liste des engagements sans lendemain.


Rédaction

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