Dans un message adressé à la communauté internationale, le président ougandais Yoweri Kaguta Museveni, également président en exercice du Mouvement des Non-Alignés (NAM) jusqu’en 2027, a livré une analyse critique et historique du conflit israélo-palestinien. Il appelle à une désescalade diplomatique dans la région du Moyen-Orient, tout en identifiant quatre « erreurs historiques » commises par les différents acteurs l’Iran islamiste, Israël, les puissances impérialistes occidentales et les partisans du recours à la force étrangère.
Cependant, cette prise de parole soulève aussi des interrogations quant à l’absence de position claire du président Museveni sur un autre conflit majeur, beaucoup plus proche de ses frontières : la crise persistante dans l’est de la République Démocratique du Congo.
Une voix africaine dans un débat global
Dans un ton direct et érudit, Museveni revient sur les racines du conflit israélo-palestinien, dénonçant toute forme de chauvinisme identitaire, qu’il soit religieux, racial, tribal ou idéologique. Il fustige également les interventions étrangères et les visions fondamentalistes, appelant à un retour à une diplomatie fondée sur le respect mutuel, la mémoire historique et la reconnaissance des droits réciproques.
Silence notable sur l’est de la RDC
Si le message présidentiel fait montre d’une hauteur de vue sur les conflits internationaux, il contraste vivement avec le silence prolongé de Kampala sur la crise sécuritaire dans l’est de la RDC, où plusieurs groupes armés opèrent parfois accusés d’avoir des liens directs ou indirects avec les intérêts ougandais.
Depuis 2021, l’Ouganda est engagé militairement dans l’est de la RDC dans le cadre de l’opération conjointe contre les rebelles des ADF (Forces démocratiques alliées), groupe affilié à l’État islamique. Toutefois, au fil des années, l’ambiguïté du rôle de l’Ouganda et ses intérêts économiques dans la région (routes commerciales, exploitation minière, influence géopolitique) ont souvent été pointés du doigt par des analystes, et même par les autorités congolaises.
Le mutisme de Museveni sur ce conflit voisin qui provoque d’importantes pertes humaines, des déplacements massifs et une instabilité chronique aux frontières communes contraste avec sa posture d’arbitre moral et diplomatique dans des conflits éloignés, comme celui du Moyen-Orient.
Appel à l’objectivité et à la cohérence diplomatique
Cette absence de référence à la RDC interroge sur la cohérence de la politique étrangère ougandaise. Peut-on prôner la paix, la reconnaissance mutuelle et la justice au Proche-Orient, tout en gardant le silence sur un conflit frontalier impliquant directement les intérêts d’un pays voisin ?
Pour plusieurs observateurs africains, ce paradoxe affaiblit la portée du message diplomatique porté par Museveni dans le cadre de la présidence du NAM. Il illustre aussi la difficulté qu’ont certains dirigeants à adopter une posture uniforme de paix et de responsabilité, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du continent.
Un discours riche, mais sélectif
Malgré cette omission majeure, le discours présidentiel contient des éléments de fond pertinents et historiquement étayés :
La dénonciation de l’Opération Ajax (renversement de Mossadegh en Iran en 1953)
Le rejet de l’ingérence impérialiste occidentale dans les affaires souveraines,
La critique des fondamentalismes religieux, qu’ils soient islamiques ou chrétiens,
Le soutien théorique à la solution à deux États pour résoudre la question israélo-palestinienne.
Le président Museveni propose un message de paix et de sagesse face au chaos du Moyen-Orient, mais son silence sur les crises proches de son propre territoire pose la question de l’universalité et de la cohérence de son engagement. À l’heure où l’Afrique tente de faire entendre une voix crédible sur la scène diplomatique mondiale, il est crucial que cette voix soit cohérente, équilibrée et inclusive, même lorsqu’elle touche à ses propres zones d’influence.
Rédaction