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Nord-Kivu : Combats intenses à Masisi, civils piégés et couloirs humanitaires coupés

Depuis trois jours, les collines escarpées du territoire de Masisi résonnent d’affrontements nourris entre les rebelles du M23, décrits par des sources locales comme appuyés par des éléments rwandais, et des miliciens Wazalendo affiliés à l’APCLS. La population civile, prise au piège dans plusieurs localités, subit de plein fouet cette nouvelle flambée de violence dans l’est de la RD Congo.


Les faits principaux

Déclenchement des hostilités : Lundi 14 juillet 2025, à Shoa.

Extension rapide : Les combats se sont propagés vers Nyabiondo, Kashebere et d’autres localités voisines.

Population en fuite : Des milliers de civils déplacés ; villages vidés de leurs habitants.

Trafic paralysé : Axes routiers stratégiques coupés, notamment vers Mweso et Masisi-centre ; Kitshanga a fermé ses écoles.

Accès humanitaire compromis : Plusieurs ONG suspendent leurs missions pour raisons de sécurité.

Une escalade éclair partie de Shoa

Selon des sources administratives et associatives locales, les hostilités ont commencé le lundi 14 juillet 2025 dans la localité de Shoa, avant de gagner rapidement du terrain. Des positions tenues par ou proches de l’AFC/M23 auraient été impliquées dans les mouvements ayant conduit à des échanges de tirs avec les miliciens Wazalendo de l’APCLS, déjà mobilisés dans la zone. Des affrontements se poursuivent par intermittence, avec usage rapporté d’armes lourdes dans certaines collines.

Les habitants décrivent des allers-retours de colonnes armées empruntant des pistes secondaires pour contourner les axes principaux désormais jugés trop exposés.

« On entend des détonations dans la journée et parfois la nuit. Les gens ne savent plus où aller », relate un leader communautaire joint par téléphone.

Villages vidés, routes mortes

L’impact civil est massif. À Shoa, les maisons sont désertées. À Kitshanga, les écoles ont fermé leurs portes. Sur les routes qui relient la zone à Mweso ou Masisi-centre, la circulation est quasiment inexistante : ni camions de vivres, ni motos-taxis, ni convois humanitaires.

« Le trafic est tout simplement interrompu sur plusieurs axes vitaux pour l’approvisionnement en nourriture et médicaments », résume un acteur de la société civile.

La coupure des routes complique l’évacuation des blessés et l’approvisionnement des centres de santé ruraux déjà fragiles. Les réserves de vivres familiaux s’amenuisent, et le risque d’une crise alimentaire localisée augmente à mesure que l’insécurité se prolonge.

« Coincés entre bombes et embuscades »

Dans la localité de Katoyi, une habitante réfugiée dans une église transformée en abri collectif témoigne :

«Nous sommes coincés ici, sans possibilité de fuir. D’un côté les bombes, de l’autre les embuscades.»

Comme elle, des milliers de civils seraient piégés dans des lieux de fortune écoles, églises, bâtiments administratifs incapables de rejoindre des centres plus sécurisés ou des sites de déplacement encadrés. Les familles rapportent manquer de vivres, d’eau potable et d’abris adéquats pour la nuit.

Pillages, incendies et abus signalés

La société civile locale recense de multiples signalements de pillages visant boutiques, greniers et pharmacies, attribués à des « hommes en armes non identifiés » circulant dans la zone. Des témoignages font état de maisons incendiées et de champs abandonnés sous la menace directe des combats. Plusieurs sources rapportent des violences contre des civils accusés de collusion avec l’un ou l’autre camp armé, mais ces allégations restent difficiles à vérifier de manière indépendante dans l’immédiat.

Couverture humanitaire réduite au minimum

Les organisations humanitaires, déjà sous pression logistique et sécuritaire dans le Nord-Kivu, peinent à maintenir leur présence. 

«Nous avons dû suspendre nos missions vers Kashebere et Shoa. La sécurité du personnel est en jeu», explique le responsable d’une ONG opérant dans la zone de Masisi.

Les couloirs d’accès étant coupés, l’acheminement de vivres d’urgence, de kits médicaux et de bâches de protection est suspendu ou retardé.

Sans reprise rapide de la circulation, les autorités sanitaires locales craignent une flambée de pathologies évitables : infections respiratoires aiguës, paludisme non traité, malnutrition aiguë chez les enfants déplacés.

M23, Wazalendo et tensions régionales

Le mouvement M23 est actif par vagues successives dans l’est de la RD Congo depuis plus d’une décennie. Kinshasa accuse régulièrement le Rwanda de lui fournir appui militaire accusation que Kigali a par le passé niée ou minimisée. Les Wazalendo, terme générique désignant des groupes d’autodéfense communautaires pro-gouvernementaux, incluent dans cette zone des éléments liés à l’APCLS (Alliance des Patriotes pour un Congo Libre et Souverain). Les rapports de force fluctuent selon les alliances locales, les lignes d’approvisionnement et la présence des forces régulières congolaises.

Picard Luhavo

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