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RDC : à Rubaya, le coltan alimente la guerre et les profits dans des conditions humaines dramatiques

Sous les collines verdoyantes du Masisi, à une cinquantaine de kilomètres de Goma, une gigantesque plaie ocre balafre le paysage : la mine de coltan de Rubaya. Ce gisement stratégique de la République démocratique du Congo, convoité pour son coltan minerai indispensable aux téléphones, ordinateurs et véhicules électriques est devenu le théâtre d’un paradoxe glaçant : depuis sa prise de contrôle par des groupes rebelles, les salaires des creuseurs ont augmenté… mais les morts aussi.


Une fourmilière humaine sous contrôle rebelle

De loin, Rubaya ressemble à une ruche boueuse. Des milliers d’hommes s’y affairent, armés de simples pioches et de sacs, rampant parfois à plus de 30 mètres de profondeur pour extraire quelques poignées de pierres grisâtres. Depuis la mainmise des rebelles sur la zone que plusieurs sources locales attribuent à des factions proches du M23 et de l’AFC, une organisation clandestine de la filière a été mise en place pour exporter le coltan, principalement vers le Rwanda voisin.

D’après une enquête de Libération publiée le 27 juillet 2025, ce trafic est désormais structuré et protégé par les rebelles, avec la complicité de certains réseaux transfrontaliers. Le coltan extrait de Rubaya, aujourd’hui sous le contrôle du M23, transite par une chaîne logistique opaque jusqu’au Rwanda, en échappant totalement à la régulation congolaise.

« Il y a une structuration plus efficace de l’exploitation, mais elle se fait dans l’ombre, dans la peur, et sans cadre légal », confie un chef local sous anonymat, interrogé par Monde24.org

Des conditions de travail inhumaines

Mais cette apparente “efficacité” repose sur un coût humain abyssal. Les conditions de travail sont dantesques : peu d’oxygène, galeries instables, équipements rudimentaires, et aucune assistance en cas d’accident.

« C’est une mort lente que beaucoup acceptent par nécessité », résume un agent humanitaire basé à Goma, contacté par Radio Okapi.

Le 16 juin dernier, un glissement de terrain a ravagé une section entière de la mine. Plus de 300 morts, selon les premières estimations d’acteurs locaux. Bonane Migaraku, creuseur artisanal depuis 15 ans, fait partie des rares survivants.

« J’étais sorti pour acheter de la nourriture. Quand je suis revenu, j’ai vu une coulée de boue. Dans notre puits, nous étions trente. Seuls quatre ont survécu. »

Pas de deuil, pas de pause : la survie avant tout

À peine ses compagnons enterrés, Bonane est retourné au fond de la mine.

« Pas le choix. Si je ne creuse pas, je ne mange pas », lance-t-il, le regard vidé.

Son histoire est celle de milliers de Congolais réduits à une vie de labeur précaire au service d’une économie parallèle, violente, et en grande partie invisible aux yeux du monde.

En l’absence de contrôle étatique effectif et dans un contexte d’insécurité croissante, les mines du Nord-Kivu, au lieu de financer le développement, continuent d’alimenter la guerre et l’exploitation. Une tragédie à huis clos, qui interpelle autant les autorités nationales que les multinationales acheteuses de coltan, souvent muettes face à l’origine du minerai qu’elles intègrent dans leurs chaînes de production mondiales.


Avec Libération

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