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RDC : Au moins 208 civils massacrés à Binza, dans l’est du pays, dans ce qui pourrait être l’un des pires crimes attribués au M23

Le massacre a été d’une brutalité inouïe. Entre le 11 et le 14 juillet 2025, au moins 208 civils ont été tués dans une série d’exécutions sommaires dans le groupement de Binza, territoire de Rutshuru, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Les tueries, qui se sont principalement concentrées dans la localité de Kiseguro, sont décrites par plusieurs notables locaux et organisations de la société civile comme « pires que celles de Kishishe », en référence aux massacres de novembre 2022.


Les faits, largement corroborés par des témoignages de survivants et des rapports transmis à la MONUSCO, mettent en cause des éléments du Mouvement du 23 mars (M23), qui contrôle la zone depuis un an. D’après plusieurs sources concordantes, les rebelles auraient attiré délibérément des populations civiles dans leurs champs, sous prétexte de reprise des activités agricoles, avant de les encercler et les exécuter.

Une embuscade meurtrière déguisée en retour à la normale

Le 16 juin, les rebelles du M23 ont organisé une réunion publique à Kiseguro, à l’issue d’un salongo travaux communautaires pour annoncer officiellement la reprise des activités champêtres. Nombre d’habitants, majoritairement des agriculteurs originaires de Goma, Masisi et d’autres localités de Rutshuru, ont alors regagné les zones de culture abandonnées depuis des mois. Une décision qui allait sceller leur sort.

Selon les témoignages recueillis, les 9 et 10 juillet, des combattants du M23 ont convergé vers les champs, encerclant les lieux dans ce qu’un survivant qualifie de « triangle de la mort ». Le 11 juillet, les premières exécutions débutent. Ligotés, criblés de balles, certains corps sont jetés dans la rivière Rutshuru, selon le récit glaçant d’une survivante secourue deux jours plus tard.

Des chiffres alarmants et des accusations accablantes

Le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme (BCNUDH) a documenté dans un rapport confidentiel consulté par Reuters la mort d’au moins 170 civils. L’ONU évoque une opération de traque des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) qui aurait dégénéré en représailles contre la population civile. Ces FDLR sont régulièrement accusées par Kigali et Kinshasa de semer la terreur dans la région et d’abriter d’anciens responsables du génocide de 1994 au Rwanda.

Mais les autorités coutumières du groupement de Binza, elles, avancent un bilan encore plus lourd : 169 personnes exécutées à Kiseguro seulement, dont 46 femmes et 18 enfants. En outre, plus de 200 maisons auraient été incendiées.

Le M23 rejette les accusations

Le chef politique du M23, Bertrand Bisimwa, a réagi dans un communiqué, dénonçant une « campagne de désinformation » et évoquant des « informations non vérifiées ». Il affirme avoir mis en place une commission d’enquête interne. Une annonce qui ne convainc guère les familles des victimes ni les observateurs internationaux, tant les précédentes promesses de transparence du mouvement armé sont restées lettre morte.

Un an de calvaire sous occupation rebelle

Depuis sa prise du groupement de Binza le 2 août 2024, le M23 y mène une politique de contrôle militaire strict. Après avoir capturé Kiseguro, Nyamilima, Ishasha et Nyakakoma, les rebelles ont engagé une série d’opérations contre les milices wazalendo et les FDLR. Rapidement, ces offensives se sont accompagnées de violences ciblées contre la population civile, majoritairement issue de la communauté hutu.

« Lorsque les rebelles ont échoué à neutraliser les FDLR, ils se sont retournés contre les civils, les accusant de les soutenir », raconte un chef de village en exil. Dès lors, l’accès aux champs leur a été interdit, provoquant une famine de grande ampleur.

Ce n’est qu’en janvier 2025 qu’une autorisation limitée avait été accordée pour la reprise des cultures proches des habitations. En juin, le feu vert total est donné, mais se révèle être un piège meurtrier.

Une spirale de violences impunie

Ce massacre, le plus meurtrier depuis Kishishe, relance les interrogations sur l’inaction de la communauté internationale, alors que le M23 est accusé à plusieurs reprises de crimes de guerre dans l’est de la RDC. Kinshasa pointe régulièrement du doigt un soutien du Rwanda voisin au mouvement rebelle ce que Kigali dément avec force.

« Tant que l’impunité perdure, ces massacres se répéteront », alerte un analyste sécuritaire congolais sous anonymat

Sur le terrain, la peur reste omniprésente. Des milliers d’habitants fuient à nouveau leurs villages vers les camps de déplacés de Kanyabayonga ou plus loin vers Goma, abandonnant derrière eux les cadavres, les champs brûlés, et un avenir brisé.


Picard Luhavo

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