Depuis son arrivée au pouvoir en janvier 2019, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, Président de la République Démocratique du Congo (RDC), s’est imposé peu à peu comme une figure diplomatique centrale dans la région des Grands Lacs. Dans un espace marqué par les tensions armées, les rivalités régionales et les fractures historiques, le chef de l’État congolais déploie une diplomatie de dialogue, d’apaisement et de reconstruction des relations bilatérales.
Dès les premiers mois de son mandat, Tshisekedi a brisé l’isolement diplomatique de la RDC. Là où certains voyaient le pays comme un acteur passif ou instable, il a repositionné Kinshasa comme interlocuteur incontournable dans les dynamiques sécuritaires et politiques régionales.
L’un de ses premiers gestes symboliques fut de rapprocher la RDC du Rwanda, en rencontrant son homologue Paul Kagame à plusieurs reprises, notamment à Addis-Abeba, Nairobi et Goma. À l’époque, cette main tendue avait suscité autant d’espoirs que de critiques. Certains y voyaient une naïveté diplomatique, d’autres une audace stratégique. Aujourd’hui encore, le pari reste controversé, mais il témoigne de l’approche conciliatrice d’un président qui mise davantage sur la coopération que sur la confrontation.
Dans la crise prolongée dans l’Est de la RDC, Tshisekedi a toujours prôné une résolution politique du conflit. Même face à l’agression persistante du M23, soutenu selon les Nations Unies par le Rwanda, il a privilégié les processus de Nairobi, de Luanda et plus récemment de Doha, tous centrés sur le dialogue intercongolais et régional.
Plus récemment encore, il a été un acteur clé de l’accord signé à Washington le 27 juin 2025 entre la RDC et le Rwanda, sous médiation américaine. Bien que cet accord soulève de nombreuses interrogations ; notamment sur l’absence de reconnaissance explicite du rôle militaire du Rwanda, il marque une volonté de rompre le cycle des violences, d’inscrire la RDC dans une logique de solutions diplomatiques multilatérales, quitte à prendre des risques politiques.
Au-delà des enjeux strictement congolais, Tshisekedi a aussi œuvré pour renforcer l’intégration régionale et continentale. Pendant sa présidence de l’Union Africaine en 2021, il a activement participé aux négociations sur le barrage de la Renaissance éthiopienne, tenté d’apaiser les tensions au Tchad, au Soudan ou encore entre le Burkina Faso et ses voisins. Il s’est également positionné comme un défenseur du multilatéralisme, en plaidant au sein des Nations Unies pour une meilleure inclusion de l’Afrique dans les processus de décision internationaux.
Tshisekedi s’est aussi investi dans l’EAC (Communauté de l’Afrique de l’Est) et la SADC, faisant de la RDC un trait d’union entre ces deux grandes organisations régionales. Sa participation active aux sommets conjoints EAC – SADC, notamment en mars 2025, a permis de renforcer la coordination régionale face aux groupes armés, en obtenant la nomination de cinq anciens chefs d’État africains comme facilitateurs pour la paix dans l’Est de la RDC (dont Obasanjo, Kenyatta et Samba-Panza).
Certes, les résultats sur le terrain restent fragiles : les violences persistent dans le Nord-Kivu, le processus de Nairobi a été freiné, et certains accords comme celui de Luanda ou de Doha n’ont pas encore permis de désamorcer totalement le conflit. Mais la constance de Tshisekedi dans les efforts de paix, malgré la pression de l’opinion publique et les critiques politiques internes, montre une vision diplomatique claire et affirmée : la paix ne peut venir que par la voie politique, même lorsqu’elle semble incertaine.
Nous allons aujourd’hui vers un repositionnement de la RDC comme puissance diplomatique. Avec cette posture, le Président congolais ambitionne non seulement de ramener la paix chez lui, mais aussi de faire de la RDC un acteur stabilisateur régional. Son implication personnelle dans les pourparlers avec les anciens présidents facilitateurs, son dialogue direct avec les chefs d’État voisins et son plaidoyer constant en faveur de la sécurité collective africaine dessinent une stratégie diplomatique ambitieuse.
Comme un “sapeur-pompier” des conflits, Tshisekedi tente de contenir les foyers d’instabilité, de reconstruire la confiance entre États, et de réhabiliter l’image de la RDC, longtemps perçue comme un « problème » régional, pour en faire une partie de la solution.
Retenons que, Félix Tshisekedi n’a peut-être pas encore éteint tous les incendies qui ravagent la région des Grands Lacs, mais il s’affirme, sans conteste, comme l’un de ses acteurs diplomatiques les plus investis. Dans un environnement où le langage des armes prédomine encore, sa diplomatie d’ouverture et de dialogue pourrait bien, à terme, poser les fondations d’une paix durable.
Tribune de :
MBIYE GRÂCE G.
Personnalité Publique,
Écrivain et Chercheur en communication numérique