Home / La une / Rwanda-RDC : Kigali ratifie l’accord de paix de Washington, entre stabilité affichée, tensions persistantes et ambitions minières

Rwanda-RDC : Kigali ratifie l’accord de paix de Washington, entre stabilité affichée, tensions persistantes et ambitions minières

Sous la médiation des États-Unis, le Rwanda a ratifié l’accord de paix signé fin juin avec la République démocratique du Congo. Une étape jugée « décisive » par Kigali, qui espère tourner la page des tensions persistantes dans les Grands Lacs. Mais derrière la diplomatie, des intérêts économiques majeurs se profilent, notamment dans le secteur minier, pilier de la stratégie de croissance rwandaise. Analyse d’un accord à la fois politique, sécuritaire et économique.

Le Rwanda a ratifié l’accord de paix signé le 27 juin à Washington avec la République démocratique du Congo (RDC), sous médiation américaine. Présenté comme un signal fort pour la stabilité régionale, ce geste intervient pourtant dans un contexte où les tensions armées se poursuivent dans l’Est congolais.

« Un accord sous conditions »

Au nom du gouvernement congolais, la ministre d’État des Affaires étrangères Thérèse Kayikwamba Wagner (en poste depuis juin 2024) adopte un ton ferme. Lors de ses récentes interventions diplomatiques, elle a déclaré :

« La paix ne se décrète pas, elle se prouve. Nous exigeons du Rwanda la fin du soutien au M23, le retrait immédiat de ses forces impliquées dans des violations graves au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, ainsi que des sanctions ciblées contre les responsables. »

Elle a aussi dénoncé l’occupation illégale de Goma, la présence des forces rwandaises aux côtés du M23, et le pillage massif des minerais congolais, notamment le coltan estimant à plus de 150 tonnes détournées chaque mois ces dernières années.

Une paix fragile face à la réalité du terrain

Malgré la ratification, des rapports de l’ONU et d’ONG confirment la présence active du M23 dans plusieurs zones du Nord-Kivu, accusant Kigali d’un appui militaire et logistique massif. Ces offensives ont entraîné des déplacements de plus de 1,8 million de civils et aggravé la crise humanitaire : camps saturés, épidémies, insécurité alimentaire. L’ONU parle d’une « catastrophe humanitaire prolongée ».

Washington et Doha, arbitres sous tension

Les États-Unis, qui ont piloté la rencontre du 27 juin, insistent sur « des mécanismes de vérification solides » pour que les engagements soient respectés. Doha poursuit les pourparlers sous l’égide de l’Union africaine, mais les violences sur le terrain fragilisent tout le processus.

Kigali, champion minier… mais avec quelles ressources ?

Lors de la même réunion, Kigali a vanté « la performance exceptionnelle du secteur minier », affichant une contribution de 12 % au PIB et 1,1 milliard USD d’exportations en 2024. Cependant, des experts s’interrogent : le Rwanda, pays aux réserves limitées, peut-il générer de tels volumes ? De nombreux rapports pointent la réexportation de minerais provenant de l’Est de la RDC, alimentant un commerce illicite au cœur des tensions.

« Le paradoxe, c’est que Kigali prospère sur un secteur où ses ressources internes sont faibles. Cela nourrit le soupçon d’un pillage organisé via les conflits à l’Est congolais », souligne un analyste régional.

Clés économiques du secteur minier rwandais

Contribution au PIB : 12 % (2024)

Recettes d’exportation : 1,1 milliard USD (2024)

Croissance annuelle : +16 % (2023-2024)

Objectif stratégique : 50 % des minerais transformés localement d’ici 2030

Provenance réelle : experts et ONG estiment que 60-70 % des minerais proviennent des zones de conflit en RDC

Géopolitique : acteurs et intérêts stratégiques

Rwanda : sécurisation de ses frontières, ambition de hub minier, influence régionale

RDC : souveraineté territoriale, protection des ressources, fin du soutien aux rebelles

États-Unis : sécurisation des minerais stratégiques, stabilité régionale

Qatar : diplomatie proactive, soft power africain

Union africaine : crédibilité des mécanismes africains de résolution des conflits

Situation humanitaire en RDC

Personnes déplacées : +1,8 million au Nord-Kivu et Sud-Kivu

Accusations : M23 responsable de massacres et recrutements forcés

Appui présumé : ONU affirme que Kigali fournit armes et renseignement au M23

Repères chronologiques

27 juin 2025 : Signature à Washington sous médiation américaine

Début juillet : Reprise des pourparlers de Doha

16 juillet : Ratification par Kigali et annonces économiques

Quels défis pour l’avenir ?

Vérification des engagements : absence d’observateurs indépendants

Crise humanitaire : aggravation malgré les négociations

Pillage des ressources : accusation persistante contre Kigali

« L’accord de Washington crée un espoir diplomatique, mais il reste fragile face à la réalité des violences et du commerce illicite de minerais », conclut Jean-Baptiste Mukarugema.

Picard Luhavo

Étiquetté :

Répondre

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *