La déclaration du président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, concernant la situation des agents de l’État dans les zones occupées par l’AFC-M23, a déclenché un vif débat au sein de l’opinion publique. Selon lui, suspendre les salaires des agents publics dans ces zones reviendrait à « punir deux fois la population » et contribuerait indirectement à la fragmentation du territoire national.
Une prise de position saluée par certains, contestée par d’autres, mais qui soulève une question fondamentale : est-il techniquement et politiquement possible de maintenir le paiement des salaires dans les zones de conflit ?
Lors de conflits armés, de nombreuses structures étatiques cessent de fonctionner normalement. Cependant, certains services essentiels, éducation, santé, sécurité civile, continuent de fonctionner grâce à la résilience des agents sur place.
Vital Kamerhe a rappelé que ces agents continuent de servir sous des conditions extrêmement précaires, et que leur priver de salaires reviendrait à renforcer l’isolement des populations et fragiliser davantage la cohésion nationale.
«Le rôle de l’État, même en temps de guerre, c’est de rester présent partout où ses citoyens vivent, surtout quand ils sont en détresse», a-t-il affirmé.
Des mécanismes alternatifs pour résoudre la situation
Contrairement à une idée répandue, le paiement des salaires dans les zones en crise n’est pas une mission impossible. Plusieurs solutions ont déjà été mises en œuvre, en RDC comme ailleurs :
Paiement mobile (mobile money) : Grâce à des services comme Orange Money ou Airtel Money, le gouvernement peut éviter les banques commerciales et transférer directement les fonds aux bénéficiaires.
Partenariat avec les agences internationales : Des institutions comme l’UNICEF, OCHA ou la MONUSCO ont déjà participé à des mécanismes de soutien aux fonctionnaires dans des zones à risque, en fournissant une assistance technique ou logistique.
Canaux humanitaires neutres : Certaines ONG peuvent servir de relais pour assurer la distribution sécurisée des salaires aux enseignants, soignants et autres agents de base.
Ces mécanismes, bien qu’exigeants en termes de coordination, permettent de maintenir le lien entre l’État et ses citoyens, même en dehors du contrôle territorial direct.
Un débat miné par la désinformation et de haine
Le débat de cette déclaration met aussi en lumière un autre défi : le manque d’information et la faiblesse de la culture civique. Faute d’accès à des données précises ou d’analyses techniques, une partie de la population, y compris certains leaders d’opinion, réagit parfois de façon émotionnelle, confondant prise de position politique et sabotage.
Proposition : une commission spéciale pour un mécanisme de crise
Face à la complexité de la situation, des voix s’élèvent pour appeler à la mise en place d’un dispositif officiel. Il est proposé que la Primature crée une commission spéciale de suivi des paiements dans les zones en crise, chargée de :
Cartographier les agents actifs dans les zones concernées ;
Évaluer les solutions de paiement disponibles ;
Travailler en collaboration avec les agences humanitaires et les télécoms ;
Assurer la transparence et la sécurité des transactions.
Un enjeu de souveraineté et de solidarité
Au-delà des divergences politiques, la question du paiement des agents dans les zones occupées touche à l’essence même de l’unité nationale. Maintenir les salaires, c’est refuser l’abandon. C’est envoyer un message clair : l’État est encore là, et il ne tourne pas le dos à ses citoyens.
Vital Kamerhe, dans sa déclaration, n’a peut-être fait que rappeler cette vérité simple mais fondamentale : la guerre ne doit jamais justifier l’injustice, encore moins l’indifférence.
Rédaction