L’ironie politique en République démocratique du Congo ne semble jamais connDe torpilleur du RASSOPP à homme du système Kabila (2017)aître de limites. Hier, l’Assemblée nationale a officiellement autorisé des poursuites judiciaires contre le ministre de la Justice, Constant Mutamba, pour soupçon de tentative de détournement de fonds publics. Une décision inédite qui intervient après des années de controverses, de revirements politiques et de stratégies de déstabilisation imputées à cet acteur devenu central… et toxique pour l’architecture institutionnelle congolaise.
De torpilleur du RASSOPP à homme du système Kabila (2017)
En 2017, Constant Mutamba est déjà sur le radar de l’opinion publique. À l’époque, alors que l’opposition, regroupée dans le Rassemblement (RASSOPP), s’organise pour faire respecter les délais constitutionnels face à Joseph Kabila, Mutamba apparaît comme l’un des éléments ayant contribué à l’éclatement du bloc. Des accusations de complicité avec le régime en place circulent, et plusieurs observateurs le qualifient de “torpilleur téléguidé” pour casser la dynamique de l’unité de l’opposition.
2021 : Briseur d’élan contre Denis Kadima à la CENI
En 2021, l’histoire se répète. Lors du processus controversé de désignation de Denis Kadima à la tête de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), Mutamba se positionne à nouveau à contre-courant des forces de l’opposition. Son implication est perçue comme une manœuvre de légitimation du processus que dénonçaient massivement les opposants et la société civile. Encore une fois, il joue un rôle-clé dans la désarticulation des fronts communs.
2023 : L’auto-proclamé “leader naturel” de l’opposition
En 2023, il se proclame “leader naturel de l’opposition”, provoquant l’indignation de figures majeures telles que Moïse Katumbi, Martin Fayulu ou Delly Sessanga. Ce coup d’éclat est analysé comme une tentative de brouiller les pistes, et surtout de créer un faux-front politique destiné à neutraliser toute opposition réelle avant les scrutins.
2024 : Sabotage de l’opposition institutionnelle à l’Assemblée
L’année suivante, il est au cœur d’une autre polémique : la déstabilisation de l’opposition parlementaire au sein du bureau de l’Assemblée nationale, notamment contre la candidature de Madame Munongo. Un nouveau signal de son alignement non déclaré avec la présidence et d’un rôle plus large de manipulation des contre-pouvoirs institutionnels.
Un ministère stratégique confié à un homme de rupture
Le retournement le plus marquant reste cependant sa nomination en tant que Ministre de la Justice. Ce poste, jadis occupé par l’UDPS depuis l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi, a été attribué à Constant Mutamba, un changement lourd de symboles. En pleine discussion sur une possible révision de la Constitution, Mutamba devient paradoxalement le porteur du projet, lui qui fut si souvent perçu comme un instrument de déstabilisation politique.
Nombre d’observateurs dénoncent une manœuvre politicienne de la Présidence de la République : confier un poste aussi sensible à une personnalité aussi clivante serait une manière de tester les résistances et de déléguer les sales besognes législatives à un profil prêt à tout.
Juin 2025 : Le boomerang judiciaire
Mais la stratégie semble aujourd’hui se retourner contre lui. Le 15 juin 2025, l’Assemblée nationale a levé ses immunités en vue de poursuites judiciaires pour tentative de détournement de fonds publics. Une décision saluée par une large frange de la population et de la classe politique. Pour plusieurs, il ne s’agit ni plus ni moins qu’un juste retour des choses.
Ce développement vient clore ou du moins suspendre une trajectoire marquée par les retournements de veste, les divisions semées dans les rangs de l’opposition, et les ambitions personnelles cachées derrière des postures prétendument institutionnelles.
La chute d’un artisan du chaos politique ?
Le cas Constant Mutamba n’est pas isolé. Il illustre une pathologie plus vaste du système politique congolais : celle de la promotion d’acteurs prêts à détruire les équilibres démocratiques pour servir les intérêts du moment. Sa mise en accusation ne résout pas cette crise de fond, mais envoie un signal : celui qu’un jour ou l’autre, les comptes doivent être rendus ; même pour ceux qui, hier encore, étaient les serviteurs les plus zélés du régime.
Grâce Mbiye